10
Ai passé la journée pendu au téléphone pour essayer de trouver du travail. Chou blanc sur toute la ligne. Il n’y a pas d’emplois pour un type de vingt ans qui a vécu toute sa vie dans une ferme, c’est clair et de bon goût. Je sais réparer les machines, programmer un ordinateur commercial, soigner les bêtes et j’ai même quelques notions de médecine vétérinaire. Mais cela n’intéresse personne. Je n’ai pas les bons diplômes. Ils regardent les fiches signalétiques, pas les gens.
Les représentants de l’aide sociale sont venus voir papa et maman, et au moins cinq partis politiques différents ont téléphoné. C’était chaque fois préenregistré. J’ai même été sollicité par une association qui recrute paraît-il des gens pour les envoyer en Amérique latine combattre les guérilleros qui sapent les gouvernements locaux régulièrement élus.
Je ne sais ni quoi faire ni où aller. L’idée de quitter la ferme me désole mais il faudra qu’on ait déguerpi avant la fin du mois.
Journal intime de William Palmquist.
Ils galopaient le long d’un des anciens canaux rayonnants du lointain Euphrate. Denny n’était pas un novice en matière d’équitation et Bahjat montait comme si elle était née sur un pur-sang arabe, vive comme l’éclair, gracieuse et ne faisant qu’un avec son cheval blanc à la robe luisante.
Aux oliviers avaient succédé les champs où pointaient les premières pousses vertes. Ils galopaient, hors d’haleine, libres comme le vent. Au-dessus de leur tête, le ciel éblouissant était une coupole d’or martelé et le canal miroitait au soleil.
Très haut dans l’azur, un hélicoptère peint aux couleurs hachémites – noir et rouge – vrombissait, si haut qu’il n’était pas plus gros qu’un grain de poussière que les deux cavaliers ne remarquaient même pas. Le pilote les observait grâce aux jumelles électro-optiques à ultra-grossissement intégrées à son casque. Ce qu’il voyait n’était pas d’un intérêt passionnant. La fille du cheik galopant comme une perdue au plus fort de la chaleur en compagnie de l’Ah-reesh, cet indésirable, qui avait bien du mal à ne pas se laisser distancer. Ils venaient de passer le bois des Cendres et étaient maintenant en train de contourner un groupe de branlantes masures de paysans. Le canal qu’ils suivaient était un fossé rempli d’une eau bourbeuse d’un brun grisâtre. C’était utile mais laid.
Sa monture réagit avec ardeur quand Denny la lança en avant, mais Bahjat, son épaisse chevelure noire flottant sur ses épaules, gardait une longueur d’avance. Elle se retourna et éclata de rire.
Soudain, abandonnant le chemin qui bordait le canal, elle s’élança en suivant la lisière d’un champ cultivé en direction des ruines qui se dressaient sur une hauteur et Denny la suivit.
Elle arrêta son cheval à l’ombre fraîche d’une massive voûte de pierre, la seule partie encore intacte du vieil édifice. De part et d’autre, les murs s’étaient écroulés. Denny tira sur les rênes et son cheval obéit en renâclant.
— Il veut encore courir, lui cria Bahjat. Il n’a pas envie de se reposer.
— Moi si, répondit McCormick en mettant pied à terre avec satisfaction.
— Vous montez bien.
— Pas aussi bien que vous.
— Oh ! Nous sommes de vieux amis, Sinbad et moi. Cela fait des années qu’on trotte tous les deux.
Le cheval secoua la tête comme pour approuver.
— Sinbad, répéta Denny. Vous avez l’air d’aimer les noms des héros des Contes des Mille et Une Nuits.
— Et comment ! Et de tous, c’est encore celui de Shéhérazade que je préfère.
Il lui sourit.
— Vous n’êtes pas la seule. C’est le pseudonyme qu’a adopté une des fanatiques du F.R.P.
— Vraiment ?
— C’est d’ailleurs sans doute elle qui a donné l’ordre qu’on m’assassine.
— Oh non, rétorqua vivement Bahjat. Je ne la vois pas du tout faire ça. Comment pourrait-elle souhaiter la mort d’un homme tel que vous ? Elle a sûrement été furieuse quand elle a appris que ses amis avaient pris sur eux de vous agresser.
— Tiens donc ! grommela Denny en faisant la moue.
Ils attachèrent les bêtes à côté d’une plaque d’herbe pelée et les dessellèrent. La terre était sablonneuse et sèche, aride, mais un vieil arbre noueux couvert de feuilles avait réussi à faire son trou au milieu des décombres et tous deux s’installèrent sous son ombre avec leurs provisions. Bahjat sortit des sacoches des sandwiches, du thé glacé et ils se restaurèrent sans hâte. À un moment donné, Denny crut entendre un lointain bourdonnement d’hélicoptère mais, à part cela, la solitude était telle qu’ils auraient aussi bien pu être au cœur du désert.
Il considéra soudain le sandwich qu’il mâchonnait, puis regarda Bahjat et se mit à rire. Lisant une muette interrogation dans les yeux de la jeune fille, il leva le bras et dit en lui montrant son poignet :
— Regardez. Je peux téléphoner à n’importe quelle bibliothèque de la Terre pour qu’un ordinateur nous lise des poèmes, n’est-ce pas ?
— Oui, fit-elle d’une voix hésitante, sans comprendre.
— Allons-y. (Il tapota sur les touches de son communicateur.) Un livre de vers sous la ramure… (il désigna l’arbre du doigt)…, un pain, une cruche de vin…
— C’est d’Omar al Khayyam. Un poète perse qui mourut en disgrâce. C’était un ivrogne.
— Mais un sacré poète !
— Nous n’avons pas de vin, railla Bahjat.
— Qu’est-ce que cela fait ? L’important, c’est la suite : « Et Toi à mon côté qui chantes dans le désert… »
Elle secoua la tête.
— Ne comptez pas sur moi pour ça. Je n’ai pas de voix.
— Tous les mots qui sortent de votre bouche sont des chansons, Bahjat. Je vous regarde et votre sourire est le plus merveilleux chant d’amour que l’on ait jamais chanté.
Elle baissa les yeux comme si elle rougissait de confusion ainsi qu’il sied à une musulmane bien élevée, mais elle était rieuse. Quand Denny l’attira à lui, elle ne résista pas et ce fut avec une égale passion qu’ils s’étreignirent.
Ils firent l’amour avec ardeur mais sans hâte. Denny explorait chaque courbe du corps jeune et souple de Bahjat, l’arrondi de sa gorge, ses cuisses fermes et souples, le velouté de ses seins, le creux presque invisible de ses reins. Et les mains de Bahjat, ses doigts, sa langue faisaient exploser chacun de ses nerfs.
Le soleil plaquait de longues ombres étirées sur les ruines quand, enfin, Denny s’assit. Il se retourna et sourit à Bahjat qui lui sourit en retour.
— Votre père ne va pas m’avoir en odeur de sainteté.
Lentement, elle ferma les yeux.
— Dès le début, il vous a pris en grippe.
— C’est l’impression que j’ai eue.
— Mais, depuis le début, nous sommes une seule et même personne, mon bel Ah-reesh. Nos sangs sont confondus. C’est pour cela que mon père vous exècre.
— Une transfusion, vous voulez dire ?
Elle opina, les paupières toujours closes.
— Le médecin a dit que l’hémorragie serait fatale. Il fallait faire vite. Mon groupe sanguin était le même que le vôtre. Ainsi l’avait ordonné le destin.
— Vous m’avez sauvé la vie deux fois.
— Une fois, deux fois, cent fois… (Elle sourit.) Votre vie est ma vie, mon bien-aimé. Je l’ai su dès l’instant où je vous ai vu quand Hamoud vous a fait monter dans la voiture.
— Et moi, quand j’ai vu votre visage éclairé par la lune, j’étais déjà amoureux.
— C’est bien ainsi.
— Mais que dira votre père ? Il ne sait même pas que j’ai quitté sa demeure.
— Il est trop occupé pour nous épier tout le temps. Les gardes peuvent s’acheter. L’un d’eux est amoureux d’Irène, la petite servante grecque. Il n’a pas été difficile de l’inciter à passer une demi-heure avec elle au lieu de vous surveiller.
— Mais votre père veut vous envoyer sur Île Un.
— Je n’irai pas, répondit simplement Bahjat.
— Pourquoi me séquestre-t-il ? Pourquoi m’interdit-il de sortir ?
— Pour vous mettre à l’abri des assassins du F.R.P. Et, ajouta-t-elle avec un sourire radieux, pour vous empêcher de voir sa fille qui vous aime comme une folle.
Al-Hachémi était dans son bureau mobile, un gigantesque véhicule blindé à moteurs à hydrogène. C’était un bureau qui ne ressemblait en rien à un bureau. L’émir, en ! costume traditionnel, reposait sur un monceau de coussins moelleux. De l’autre côté des fenêtres teintées, on apercevait une forêt d’antennes à micro-ondes, minces tigelles de métal tendues vers le ciel qui captaient l’énergie émise par les satellites solaires.
Ironie cosmique de l’histoire : les pays arabes, jadis riches en pétrole, étaient toujours en tête du peloton des fournisseurs d’énergie. Les nations occidentales avaient escompté que la puissance saoudienne et hachémite s’effriterait et s’effacerait à mesure que se raréfiaient les réserves d’hydrocarbures. Les pays industrialisés attendaient dans leur cupidité l’effondrement arabe pour prendre leur revanche sur ces parvenus de l’Islam.
Mais, bénis soient leurs pères, les Arabes avaient compris dans leur sagesse que leurs déserts étaient l’emplacement idéal pour implanter des centrales solaires. L’immense richesse que leur avait procurée la vente du brut leur avait permis de financer largement Île Un et les satellites solaires construits par la colonie spatiale.
Et les déserts inhabités voulus par Allah s’étaient révélés plus profitables que ces païens d’Occidentaux ne l’avaient jamais imaginé. Quel meilleur site pour édifier les centrales destinées à capter l’énergie satellitaire ? Il n’était pas possible d’inonder les villes d’intenses faisceaux de micro-ondes ni même de les braquer sur les terres agricoles. L’Europe était trop à l’étroit, elle étouffait faute d’espace. Et personne n’avait envie de voir d’affreux champs de capteurs, dangereux, peut-être, à proximité de sa maison, de sa ville, de sa ferme, de son lieu de villégiature.
Les Occidentaux redoutaient ces ondes invisibles tout comme ils avaient redouté les centrales nucléaires qui, au siècle précédent, les auraient sauvés de la pénurie d’énergie. Mais il y avait de vastes étendues désertiques en Afrique du Nord, en Arabie, en Irak et en Iran. Le plus curieux était que ç’avaient été les Israéliens qui avaient fourni la technologie de pointe et la main-d’œuvre hautement qualifiée grâce auxquelles ces déserts avaient été transformés en centrales alimentant l’Europe de l’Irlande à l’Oural.
Al-Hachémi sourit tandis que s’inscrivaient sur l’écran serti dans la paroi du véhicule les tout derniers rapports de situation. Les transfos scandinaves étaient à nouveau arrêtés. Les protecteurs de l’environnement accusaient les flux d’énergie en provenance des satellites de bouleverser l’écologie arctique et d’être à l’origine des inondations qui avaient dévasté les terres arables au sud.
L’émir effleura un bouton et sur l’écran apparurent les images du reportage sur le fiasco scandinave. Il éclata bruyamment de rire et s’exclama à l’adresse de l’homme assis en face de lui sur une pile de coussins :
— Je me demande pourquoi ils qualifient invariablement l’équilibre écologique de « fragile » !
Le visiteur portait l’uniforme noir et le turban à damiers qui étaient la tenue des chauffeurs d’al-Hachémi. Il se contenta d’approuver en silence. C’était une question de pure forme, il ne s’y trompait pas.
— Maintenant, ils s’excitent sur « l’équilibre écologique fragile » de la toundra et des champs de glace du Nord-Est. Quand on construisait les transfos ici, c’était « l’équilibre écologique fragile » du désert. Ha ! Ha !
Le visiteur s’agita imperceptiblement.
— Regarde, lui lança al-Hachémi en désignant du doigt les antennes qui défilaient derrière les fenêtres. Quelle écologie ? Le désert est vide. Il ne recèle rien qui puisse présenter un intérêt pour un homme sain d’esprit. Cela fait maintenant cinq ans que ces capteurs fonctionnent et qui en a souffert ? Quelques serpents qui sont morts, quelques vautours carbonisés parce qu’ils étaient trop bêtes pour se tenir à l’écart des faisceaux d’ondes…
— Mais leur rayonnement peut être dangereux si l’on y reste exposé trop longtemps, rétorqua le jeune homme.
Al-Hachémi haussa les sourcils.
— Tu as peur, Hamoud ? Toi ?
— Non. (Un Kurde peut être aussi brave qu’un Arabe, songea Hamoud in petto.)
— Il n’y a rien à craindre, reprit al-Hachémi avec un mince sourire. Même si quelques faisceaux s’étalaient un peu à la périphérie du champ d’antennes, la voiture est parfaitement protégée. Nous sommes en sécurité.
— Et nous nageons dans le confort, ajouta Hamoud pour montrer ce qu’il pensait des goûts fastueux d’al-Hachémi.
— Tu es un ascète.
Hamoud hocha la tête.
— Je ne suis pas habitué à un tel raffinement. La vie d’un chauffeur est… moins douillette.
Al-Hachémi s’esclaffa.
— Tu veux dire que le chef du F.R.P. ne bénéficie pas de ce modeste luxe ?
— Les révolutions ne se font pas avec le luxe, fit sèchement Hamoud.
— Je suppose qu’un révolutionnaire doit souffrir pour sa cause. Cela fait partie de son image de marque.
Hamoud ne releva pas le propos.
— Et cette femme qui est avec vous… cette Shéhérazade ? Elle travaille dans l’ascétisme, elle aussi ?
— Elle est un symbole, répondit Hamoud, impénétrable, guère plus. C’est moi le patron du F.R.P. dans cette région du monde.
— Bien sûr.
— Mes camarades se méfient de toi. Ils craignent qu’en acceptant ton argent et ton aide, nous ne nous jetions tête baissée dans un piège.
— Pensent-ils qu’un cheik hachémite, descendant du fils du Prophète, trahirait la foi jurée ? demanda al-Hachémi sur un ton cassant. Qu’il foulerait au pied la loi sacrée de l’hospitalité ?
— Ils sont jeunes, ignorants, et ils ont faim.
— Peur, aussi ?
— Oui, parfois. Mais, malgré cela, ils font ce que je leur dis de faire.
— Alors, c’est que ce sont des gens courageux.
Hamoud acquiesça gravement.
— Pourquoi combattent-ils le Gouvernement mondial ?
— Parce qu’ils ne veulent pas être soumis à une loi étrangère. Pour ma part, je veux un Kurdistan indépendant, dégagé de toute allégeance.
— Et pourquoi avez-vous essayé d’assassiner l’architecte qui construit le palais du calife ?
— Comme symbole de notre résistance au Gouvernement mondial, cela va sans dire.
— Il n’y a pas d’autres raisons ?
— Non.
— La construction de ce palais ne vous indigne pas ?
— Cela ne change rien à rien. Mais en tuant l’étranger qui la dirige, nous ferons comprendre au Gouvernement mondial que nous résisterons à sa dictature.
— Tu es un imbécile.
Ravalant sa fureur, Hamoud demanda avec le plus grand calme :
— Pourquoi ?
— Le terrorisme politique est une stupidité. Il ne peut mener à rien sinon à faire rappliquer de Messine un détachement de la police mondiale.
— Il a une valeur symbolique.
— Symbolique ! répéta al-Hachémi, et l’on eût dit qu’il allait cracher. Si vous voulez frapper, frappez au moins là où c’est rentable ! J’ai donné asile à l’étranger, enchaîna-t-il sans se soucier du regard hargneux que lui avait décoché Hamoud, et j’ai dit à la police mondiale que nos forces de l’ordre locales avaient la situation bien en main. Vous ne toucherez pas à un seul cheveu de l’architecte. Autrement, le Gouvernement mondial interviendra en dépit de la protection que je vous accorde. Alors, vous serez tous écrasés, toi et tes partisans, et vos cendres seront dispersées au vent.
— Mais pourquoi gardes-tu l’architecte chez toi ? Sa blessure doit sûrement être guérie…
— Ma fille s’est entichée de lui et je tiens à pouvoir les surveiller de près tous les deux.
Hamoud dodelina du menton. Pas d’assez près. Bahjat est assez maligne pour n’en faire qu’à sa tête.
— Je n’ai toujours pas compris ce qu’elle fabriquait dans le souk en pleine nuit.
— Je ne suis que son chauffeur. Elle m’a dit d’aller dans le souk et j’ai obéi. Elle a eu la même réaction que toi quand elle a su que nous allions exécuter l’architecte. Même avant de le rencontrer, elle s’inquiétait de sa sécurité.
— Il faut que je l’expédie sur Île Un, murmura le cheik. C’est le seul moyen de la sauver.
— Et nous devons absolument nous attaquer d’une manière ou d’une autre au Gouvernement mondial. Un mouvement révolutionnaire s’écroule s’il ne va pas de l’avant.
— Attaquez-le où vous voudrez mais ailleurs qu’à Bagdad.
— Nous aurons besoin de véhicules, de fusils et d’explosifs.
— C’est entendu, fit al-Hachémi avec une brève inclinaison de la tête. Vous les aurez. Mais laissez Bagdad en paix.
Laissez ma fille en paix, veux-tu dire, songea Hamoud avec un rire muet. C’est elle qui te laissera, émir. Pour me suivre. Et elle lâchera aussi son architecte pour moi.
— Va-t’en, maintenant, Hamoud. Mon secrétaire prendra les dispositions voulues pour te fournir ce dont tu as besoin.
Hamoud se leva sans hâte avec juste ce qu’il fallait de désinvolture pour que son attitude soit ostensiblement injurieuse, s’inclina presque imperceptiblement et sortit du compartiment. Il vacilla légèrement quand le véhicule négocia un virage sans cesser néanmoins de sourire d’un sourire madré.
J’aurai les moyens logistiques et les armes qui nous sont nécessaires, songeait-il. Et Bahjat viendra avec moi.
Une fois la porte refermée, al-Hachémi appuya derechef sur une touche du boîtier et le visage d’une blonde secrétaire, la dernière en date, se forma sur l’écran.
— Nous avons reçu un rapport de l’hélicoptère de surveillance, Excellence, annonça-t-elle avec un sourire bizarre.
Al-Hachémi ferma les yeux.
— Que dit-il ?
— Votre fille a quitté la maison. En compagnie de l’architecte canadien.
— Je vois.
La secrétaire lut intégralement le rapport du pilote, sans omettre le passage où celui-ci précisait minutieusement pendant combien de temps Bahjat et McCormick étaient restés hors de vue à l’abri de l’arbre parmi les ruines solitaires. Lorsque l’émir rouvrit les yeux, il nota l’expression narquoise de la jeune fille. J’aurais plaisir à effacer ce ricanement de ta bouche.
— C’est tout ?
— Oui, Excellence.
— Bien. Dites à Hamoud, le chauffeur, de revenir.
L’écran redevint opaque. À peine quelques secondes plus tard, Hamoud réapparut. Il s’assit en tailleur devant al-Hachémi.
— J’ai changé d’avis, fit ce dernier de but en blanc.
— Oui ?
— Tu vas assassiner l’architecte. Il faudra que ça ait l’air d’un accident… par exemple, une agression commise par des voleurs comme la première fois. En aucun cas sa mort ne doit avoir l’air d’un règlement de comptes politique.
Hamoud acquiesça en réprimant un sourire.
— Mais il est impératif qu’il soit éliminé… et le plus vite possible. Je veux voir cet homme mort !